« C’est vraiment mon
regard que je dois changer.
Je ne sais pas mettre ma
vie en forme.
Les rythmes me manquent.
Mettre un peu de cohérence
dans tout ça. »
Thi Nhan NGuyen
Question de regard ? Elle ne parvient à voir que la
fumée des choses en allées, des ancêtres devenus icônes mais surtout fantômes,
passé qui la hante et estompe les contours de ce qu’elle pourrait être. Une vie
qui coule, informe comme l’eau d’un torrent, aussi insaisissable qu’un vent
tourbillonnant dans une plaine trop vaste : voilà ce qu’elle est.
Pourtant, le souffle du vent peut devenir mélodie lorsqu’un
joueur de flûte le dompte avec son souffle et ses doigts ; le
bouillonnement du torrent n’est que rythme pour celui qui sait bien l’écouter.
Mettre sa vie en forme, changer son regard, voilà ce qu’elle
doit faire. Laisser partir les visages de sable que les marées abîment un peu
plus chaque année, et passer dans un autre monde, un monde de couleurs :
couleurs des livres, des fleurs, des tournesols. Laisser le regard noir, la
tristesse, la détresse. Mondes clivés : passer, enfin, de l’autre côté.
Caroline
Mondes clivés : passer enfin de l’autre côté. Chercher
une unité. Laisser le regard noir, la tristesse, la détresse. Et basculer dans
un autre monde, un monde de couleurs : couleurs des livres, des fleurs,
des tournesols que les marées de sa vie abiment un peu plus chaque année.
Laisser partir les visages de sable. Lâcher prise pour reprendre la main.
Cesser de mettre sa vie en forme. Changer de regard. Voilà ce qu’elle doit
faire.
Le bouillonnement du torrent n’est que rythme pour qui sait
s’écouter. Le souffle du vent peut devenir mélodie lorsqu’un joueur de flûte le
caresse avec ses doigts, le prend dans ses poumons.
Voilà ce qu’elle est. Le vent tourbillonnant dans une plaine
trop vaste. Insaisissable. Comme l’eau du torrent, aussi. Une vie qui coule,
informe, et qu’il suffirait d’écouter.
Encore, son passé la hante et estompe les contours de ce
qu’elle pourrait être. Des ancêtres devenus icônes mais surtout fantômes. Elle
ne parvient à voir que la fumée des choses en allées. Question de regard ?
Entre ses doigts devenus flous d’être trop fixés, elle
regarde couler les jours. C’est ce qui lui semble être sa vie. Evaporée. Comme
ces mirages qui s’estompent petit à petit, elle s’est évanouie au soleil de
midi.
Agathe
« Rien
N’est
jamais fixé, figé
L’orage
est passé
L’atmosphère
devient plus légère
Je
garde les yeux ouverts »
Thi Nhan NGuyen
Elle s’est endormie d’un coup, comme
se fane une rose après une nuit trop chaude. Lorsqu’elle s’est réveillée,
l’orage était passé. On respirait mieux. Elle resta sur le matelas, comme si le
temps pouvait se figer tant qu’elle ne touchait pas le sol. Le genre d’histoire
qu’elle se racontait petite fille. Elle savait qu’une fois verticale, elle
sentirait à nouveau sur ses épaules le poids des souvenirs. Qu’en chaussant les
socques, elle devrait aller les faire claquer dans la cuisine, plonger ses
mains dans l’eau tiède de la bassine. Un fond de jasmin montait à ses narines
depuis la théière. Il devait être amer. Elle aimait le thé froid du lendemain.
Il avait la rudesse des moments perdus.
Elle se décida enfin à se lever.
Pieds nus sur les tapis de coton, fourbue. Elle écarta les pans de tissu rouges
qui la séparaient de la ruelle. Déserte. Elle avança doucement, évitant les jouets
d’enfant en plastique. Au bout, dans la cour minuscule, un arbre avait poussé
dans la nuit.
Agathe
Au bout, dans la cour minuscule, un
arbre avait poussé dans la nuit. Elle recula doucement, évitant les jouets
d’enfant en plastique. Elle écarta les pans de tissu rouge qui séparaient la
ruelle de la maison déserte. Fourbue, pieds nus sur les tapis de coton, elle se
décida enfin à s’asseoir. Ce matin avait la rudesse des moments perdus, comme
le thé froid du lendemain qu’elle aimait, si amer. Un fond de jasmin montait à
ses narines depuis la théière. Elle savait qu’en chaussant les socques, elle devrait
aller les faire claquer dans la cuisine, plonger ses mains dans l’eau tiède de
la bassine. Qu’une fois verticale, elle sentirait à nouveau sur ses épaules le
poids des souvenirs. Le genre d’histoire qu’elle se racontait petite fille.
Elle resta sur le pas de la porte, comme si le temps pouvait se figer tant
qu’elle n’allait pas plus loin. À
peine l’avait-elle atteint que l’orage avait éclaté. Il était maintenant passé.
Elle respirait mieux. Elle s’est redressée d’un coup, comme éclot une rose
après une nuit trop chaude.
Fabienne
« On fait avec ce que l’on est.
Se montrer avec toutes ses failles…
Avoir une vie de femme, surtout. »
Thi Nhan NGuyen
Elle s’est trouée d’éclats de lune comme le grillage du
jardin. Frêle dans sa robe de tulle elle a attendu la fête sous le pommier aux
pommes rouges comme le rouge des lampions. Elle ne pensait pas que l’attente
serait si longue. Dans la maison elle a laissé les objets du siècle passé et
n’a emporté que quelques vêtements dans sa valise en carton fleuri dont les
boucles dorées brillent à la lueur de la lune. Soudain elle a empoigné l’anse
double et marché le long du chemin en direction des chants et des danses.
Partout des fleurs et encore du rouge comme la braise, des offrandes et des
gouttelettes d’eau de pluie. Elle marche sans s’arrêter, un tissu rose jeté sur
ses épaules pour recouvrir les temps révolus. Il lui servira, plus tard, à
saisir l’anse brûlante de la bouilloire du thé lorsqu’elle sera arrivée. Il lui
tarde de se montrer avec toutes ses failles et d’avoir une vie de femme,
surtout.
Fabienne S.
Il lui tarde de se montrer avec toutes ses failles et
d'avoir une vie de femme surtout.
Lorsqu’elle sera arrivée, elle saisira l'anse brûlante de
la bouilloire du thé avec le tissu rose jeté sur ses épaules, lui qui, depuis
peu, recouvre les temps révolus.
Elle marche sans s'arrêter.
Partout des fleurs et encore du rouge de la braise, des
offrandes et des gouttelettes d'eau de pluie.
Soudain elle empoigne l'anse double de la valise et
marche le long du chemin en direction,
cette fois, des chants et des danses.
Dans la maison elle a laissé les objets du siècle passé
et n'a emporté que quelques vêtements dans sa
valise en carton fleuri dont les
boucles dorées brillent à la lueur de la lune.
Elle ne pensait pas que l'attente serait si longue.
Elle attend maintenant la fête sous le pommier aux pommes
rouges comme le rouge des lampions; elle semble frêle dans sa robe de tulle
toute trouée d'éclats de lune comme le grillage du jardin.
Elisabeth
Elle s'est allongée sur le sol comme l'ombre au
crépuscule.
Elle s'est recroquevillée comme les feuilles à l'automne.
Le temps s'est écoulé dans son sablier grotesque.
Petite fille, petite poupée de porcelaine silencieuse, le
jardin des femmes n'est pas encore pour toi. Patience.
Elle avait fait un pas l'un après l'autre mais elle
n'avançait pas.
Le temps s'était alors figé comme la lave fige toute vie.
Sa vie était suspendue à un froncement de sourcil.
Alors elle s'est blottie comme un jeune animal contre le
ventre maternel, souvenir dérisoire.
Dix ans de silence se sont écoulés.
Il ne s'est rien passé.
Petite fille, petite poupée de porcelaine, qui réchauffe
ton âme aujourd'hui?
Elisabeth
Petite fille, petite poupée de porcelaine, qui réchauffe
ton âme aujourd'hui?
Mais chut! Il ne s'est rien passé, voilà ce qu'il faut
penser.
Dix ans pourtant de silence et d'absence se sont écoulés.
A la fin c'était trop difficile, alors elle s'est blottie
contre le rocher comme un jeune animal contre le ventre maternel, souvenir
dérisoire.
La vie était suspendue à un froncement de sourcil. Le
temps s'était alors figé comme la lave fige toute vie.
Elle a pourtant bien fait un pas l'un après l'autre mais
elle n'avance pas. Patience. Petite fille, petite poupée silencieuse, le jardin
des femmes n'est pas encore pour elle.
Impatiente, elle à l'impression que le temps s'écoule à
reculons dans son sablier grotesque.
Lassée de tant d'attente, elle s'est alors recroquevillée
comme les feuilles d'automne.
Elle s'est allongée au sol comme les ombres au
crépuscule.
Caroline
Commentaires
Enregistrer un commentaire