"Par le trou de la serrure"



Deux textes de Loraine créés lors de l'atelier du 07 février 2017, fil conducteur : "Par le trou de la serrure" :

La proposition de l'atelier est issue de la lecture de "Elles en chambre" de Juliette Mézenc, une continuation de la réflexion sur les chambres d'auteures initiée par Virginia Woolf dans "Une chambre à soi". Je me suis arrêtée dans la chambre de Sylvia Plath parce qu'elle en a disposé de plusieurs tout au long de sa vie et que cette diversité permettait d'obtenir des univers différents à proposer aux participants. Après la lecture d'extraits de 7 chambres distinctes, j'ai proposé que chacun choisisse l'une des chambres puis, qu'il entre, qu'il s’immisce à  l'intérieur pour écrire un texte à partir de son poste d'observation, de son regard, un point de vue mobile, télescopique, en mouvement.
Après cette première séance d'écriture et  lecture de chaque écrit, chacun a donné son texte à son voisin de droite et la proposition a été la suivante : le texte que vous venez de récupérer est la chambre, la porte est fermée, vous restez derrière cette porte mais la curiosité vous piquant à vif, vous regardez par le trou de serrure. Ecrire un texte d'un point de vue statique et restreint.
Une lecture sur scène des deux textes par les deux auteurs respectifs a terminé la séance.


La chambre de l’insouciance et de tous les possibles

Les murs sont blancs comme une invitation à écrire dessus, écrire des mots d’amour, écrire des éclats de rire, écrire et décrire ces premières disputes, celles qui commencent on ne sait plus pourquoi et qui finissent entrelacer dans les bras de l’autre.
La nature se reflète dans cette chambre, à la fois sauvage, fragile, pleine de vie et de surprises. Elle essaie de rentrer à grand coup de rayon de soleil, de s’immiscer dans les charnières de fenêtre, de grimper telle une glycine qui s’accroche aux toits de la ville.
Cette chambre inspire grâce à sa quiétude. Même dans le brouhaha, on s’y sent prêt à méditer, on se sent isolé, isolé parfois peut être un peu trop.

Cette chambre est le reflet de sa propre âme.
Quand l’amour irradie, la chambre devient amour mais si le doute s’installe alors le doute se reflète, se réfléchit, se multiplie et s’enferme dans ces quatre murs.
Ces deux personnes partagent la même pièce mais au fond d’eux, partagent-ils la même émotion ?
Que cache le rire de Sylvia ? Il exprime la joie mais cache la jalousie, camoufle l’inquiétude et enterre l’angoisse.
Dans cet environnement dénudé, il est bien difficile de dissimuler. Le vrai visage des émotions prend le dessus et se dévoile malgré la volonté du protagoniste.
Ted ne voit pas le vrai visage de cette pièce. Il reste ce comédien à la merci du metteur en scène et oscille entre coté cour et coté jardin. Il ne décrypte pas ces murs blancs, ne distingue pas ces taches rouges qui commencent à apparaître. Ces taches, ces points, cet halo pointilliste qui esquisse le futur … pas si blanc … pas si rose.
Un futur de nuances, de contour, tout est moins net que ce que l’apparence laisse présager.

Cette pièce est une pièce à peindre, mais la toile est déjà tirée, la palette est déjà sélectionnée, la scène déjà choisie.

Par le trou de la serrure


Espace, espace
ça se réduit, je sens de l'air me traverser le visage
un courant d'air me traverser le corps.
A l'intérieur, des mouvements saccadés : 
un bras, une main puis un pied.
On reconstitue un corps mais est-ce la même personne ?
Des mots étouffés, une respiration retenue ! Quel est ce bruit ?
Une claque, une gifle ?
Un halètement, une inspiration asphyxiée
Je me penche plus bas, reprends mon souffle
Un souffle mortifère me relève, je fixe
le trou, le néant, plus personne.
Où est-il ce pantomime, cette marionnette
démembrée.
Soudain un cantique... cantique
qui occupe le vide, occulte la vie et
ne laisse que le vide.
Je me penche, colle mon œil pour 
transpercer le vide. Je reste en orbite, mon corps flotte.
L'obscur est partout, j'en ai des hauts le cœur, le cœur n'y est plus, le cœur est partout.
Le cœur est crashé sur la serrure.
Morceau de cœur qui traverse la serrure et m'éclabousse.
Foutu cantique de l'obscurantisme.
Le coeur se décante et le sang roule sur mes joues.
Veine cave s'épanche sur mon visage,
la peine creuse le trou, le sang coule et mes veines se gorgent de courant d'air.
J'ai soif, j'ai besoin d'air.



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